Le parfum des plantes carnivores.
Les feuilles des plantes carnivores imitent les autres fleurs en émettant des substances chimiques odorantes pour piéger les insectes.
Les plantes carnivores ne sont pas des plantes ordinaires. Vivant dans des milieux souvent pauvres en nutriments, elles se sont adaptées en développant des stratégies pour capturer et digérer les insectes dans leurs feuilles transformées en pièges. Couleurs vives attrayantes, nectar, guides ultraviolets sont autant de leurres employés pour attirer leurs proies.
Une nouvelle stratégie a été mise en évidence chez Nepenthes rafflesiana, une plante carnivore tropicale poussant surtout sur les sables blancs des forêts du Nord de l'île de Bornéo. Laurence Gaume-Vial et ses collègues du Laboratoire botanique et bioinformatique de l'architecture des plantes, à Montpellier, et Jean-Marie Bessière, du Laboratoire de chimie appliquée de l'École nationale supérieure de chimie, également à Montpellier, ont montré que les feuilles de Nepenthes rafflesiana produisent tout un bouquet d'arômes pour appâter leurs proies. Elles imitent ainsi les fleurs qui émettent tout un éventail de composés volatils afin d'attirer divers insectes pollinisateurs.
Chaque feuille de Nepenthes rafflesiena forme une urne remplie d'un liquide viscoélastique. Lorsqu'un insecte imprudent est pris au piège de cette glu, il lui est impossible de s'échapper, et une lente digestion commence. Les jeunes pousses de Nepenthes rafflesiana produisent des urnes au ras du sol. Ces urnes, dites terrestres, sont arrondies et de couleur rouge. Au fil du temps, la plante carnivore devient grimpante et s'accroche à la végétation environnante pour monter parfois jusqu'à 15 mètres de haut. Elle produit alors des urnes aériennes en forme d'entonnoir qui sont généralement jaunes.
Les chercheurs ont remarqué que les proies présentes au menu dépendent du type d'urne. Les urnes terrestres attirent principalement les insectes rampants (fourmis, termites) et les araignées. Les urnes aériennes sont visitées non seulement par les insectes rampants et les araignées, mais aussi par des insectes volants qui consomment d'habitude le nectar et le pollen des plantes à fleurs : mouches, papillons, coléoptères, moustiques, abeilles, guêpes, etc. En sentant de près les urnes aériennes, les chercheurs ont constaté qu'elles dégagent une odeur agréable, fruitée et florale. Les urnes terrestres, quant à elles, sont peu odorantes. Des expériences en laboratoire ont confirmé cette relation entre l'odeur émise et la diversité des proies attrapées.
Dans un premier temps, les chercheurs ont montré qu'en l'absence de stimulus visuel, des insectes de diverses espèces préfèrent se diriger dans un compartiment où sont diffusés des effluves d'urnes de la plante carnivore plutôt que dans un compartiment témoin, sans odeur particulière. De plus, les insectes volants préfèrent l'odeur des urnes aériennes à celle des urnes terrestres.
Dans un second temps, l'équipe de Montpellier a identifié la composition chimique des odeurs émises par chacune des urnes. Les composés volatils, récupérés sur un filtre, sont d'abord dissous dans un solvant puis séparés par la technique dite de chromatographie en phase gazeuse. L'identification est alors réalisée par spectrométrie de masse, technique qui se fonde sur la différence de rapport masse/charge de chaque molécule.
Pas moins de 54 composés, appartenant à trois grandes familles de composés volatils, ont ainsi été mis au jour : des acides gras et leurs dérivés, des composés aromatiques (des benzénoïdes) et des terpènes (des dérivés de l'isoprène, produits par de nombreuses plantes). Les analyses montrent que les urnes aériennes produisent beaucoup plus de composés aromatiques et de terpènes, susceptibles d'attirer les insectes volants visiteurs de fleurs, que leurs homologues terrestres.
On savait déjà que certaines plantes sont capables d'émettre par leurs feuilles des composés volatils du type dérivés d'acides gras ou terpènes pour éloigner les herbivores. Les feuilles de ces plantes carnivores ne faisant que rarement l'objet d'attaques d'herbivores, rien ne laissait cependant supposer qu'elles émettent des molécules odorantes. Les odeurs qu'elles émettent, contrefaçon biochimique des plantes à fleurs, sont le fruit d'une adaptation à un milieu naturel pauvre en nutriments au niveau du sol, mais riche en insectes. Reste maintenant à comprendre comment la plante carnivore ne piège pas ses propres pollinisateurs...
Article écrit par Emilie Auvrouin.
Je vous propose de découvrir des photos de la sortie, réalisée dans une ancienne carrière de gypse et à Fontaine de Vaucluse.
Elle a pour but de découvrir les éléments d'un paysage et l'action de l'eau sur les roches.
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